1 villa gallo romaine.JPG
Gilly-sur-Isère, une petite ville gallo-romaine en Combe de Savoie

Les découvertes d'objets antiques en Combe de Savoie ont commencé fortuitement dès le milieu du 19ème siècle, mais les fouilles archéologiques n'ont réellement débuté que dans les années 1970 avec des équipes de bénévoles. Avec la multiplication des constructions, l'exploration préalable des vestiges s'est professionnalisée. Elle a permis de mettre au jour, essentiellement à Gilly-sur-Isère, les vestiges de belles propriétés gallo-romaines, d'édifices religieux et une occupation antique populaire le long de la grande voie romaine Milan-Vienne. Tout un riche passé antique ressurgit peu à peu ...



​​​​​​​Plan de la Villa
2 Plan de la villa.JPG















​​​​​​​Mosaïques
3 mosaiques.JPG
4 mosaiques.JPG










​​​​​​​La grande balance
5 la grande balance.JPG
La villa gallo-romaine du Grand Verger

Cette villa fait partie, comme plusieurs autres villas déjà reconnues à proximité, de l’agglomération antique de Gilly-sur-Isère redécouverte en 1983 après sondages et photos aériennes.

Elle est implantée dans la Combe de Savoie, non loin de l’Isère, au pied des Grandes Alpes sur le trajet de la grande voie romaine Milan-Vienne et à proximité de la station routière antique d’Ad Publicanos, située sans doute à Albertville.


Découverte fortuitement dans les terrassements d’une plantation fruitière, la villa a été fouillée de 1975 à 90 de façon presque intégrale par une équipe bénévole. Les vestiges de murs, restaurés, sont conservés et visitables en tout temps. La mosaïque N, restaurée, est visible au musée de Conflans à Albertville.

  • Une belle résidence provinciale
Il s’agit de la partie résidentielle (pars urbana) d’un domaine rural (villa). L’édifice, d’une dimension modeste (35 mètres de côté), a cependant un plan carré rare, ainsi qu’une qualité de construction et de décors  remarquable.

Ce plan est agencé autour d’une galerie à  péristyle et d’une cour centrale,rappelant comme la maçonnerie en pierre et les toitures en tuiles, les villas de l’Italie romaine.

On y compte 25 pièces d’habitation, en général de belles proportions (30 à 40 m2 et parfois 90 m2). La circulation et la communication entre ces pièces s’effectuaient à partir de la galerie centrale soutenue par des colonnes,  dont une seule a été retrouvée. Sur la hauteur de 4 mètres, de petites fenêtres devaient assurer un éclairage parcimonieux. Cet édifice typiquement méditerranéen, était certes élégant mais privé de chauffage et peu adapté à un climat montagnard.

Seuls les thermes privés bénéficiaient d’un chauffage par hypocauste (ou dalle chauffante) pour la salles chaude (caldarium) et tiède (tepidarium) voisinant avec une salle froide (frigidarium) et un bassin.


  • Des décors de qualité
​​​​​​​​​​Des enduits muraux peints de couleurs vives où dominaient les rouges décoraient tous les murs des pièces habitables ainsi que ceux de la galerie. Unis ou en panneaux composés, ils imitaient, en plus simple, les décors de résidences viennoises ou italiques. De larges fragments en ont été recueillis au milieu des décombres.

Les portes des pièces de réception étaient encadrées de placages de marbres de Carrare moulurés.

Les mosaïques :
Deuxième site de Savoie connu pour ses mosaïques, cette villa possédait, dans deux salles centrales, des pavements mosaïqués de belles dimensions (9 x 5 m et 9 x 3,5 m), à décor géométrique noir et blanc, en grande partie conservés. Bien exécutés, l’un (M) au schéma de bandes croisées avec losanges et l’autre avec ses simples losanges alternés (N) apparaissent, aux dires du spécialiste H. Lavagne, comme des modèles plus italiques que viennois et d’apparition précoce en Savoie grâce à un atelier de mosaïstes itinérants.
Ces deux salles, comme une troisième au pavement de marbre, seules à pouvoir être identifiées avec les salles thermales, correspondent à des espaces d’apparat, triclinium (salle à manger) et salles de réception. Parmi les autres, rien ne permet malheureusement d’identifier la cuisine, la circulation d’eau, les chambres ou le laraire.
Le propriétaire de cette villa, dont aucune inscription dédicatoire n’a été trouvée, possédait le goût très romain des belles choses et de bons moyens financiers. Romain ou allobroge, il faisait visiblement partie de l’élite locale, commerciale ou administrative de l’agglomération, comme cet autre, Titus Julius Creticus, connu lui par un inscription (conservée à la base du clocher) mais non par sa villa.

  • Des vestiges de la vie courante
Dans le mobilier archéologique, (conservé au musée de Conflans) on n’a retrouvé que peu d’objets épars, tellement cette résidence a été pillée après son abandon, récupération qui a affecté jusqu’aux poutres, aux moëllons des murs et aux pierres taillées, matériaux rares à Gilly. Aussi, n’a-t-on qu’une quinzaine de monnaies (sesterces du 2ème siècle et deniers du 3ème siècle).

Parmi la céramique, plus de poteries communes ou noire allobroge du 3ème siècle que de céramiques rouges sigillées (un bol entier Dr.37 à décor de scènes de chasse signé Paternus, Lezoux 2ème siècle), des tessons d’amphores à huile et à garum provenant d’Andalousie.
Cependant, quelques belles pièces, plus rares : cruche et marmite en tôle de bronze, cadran solaire en pierre et surtout une balance exceptionnelle, longue de 1,53 m, munie de son peson en forme de divinité couronnée de tours (Génie des lieux) pouvant effectuer des pesées jusqu’à 150 kg.

On retiendra enfin une série de vestiges moins spectaculaires mais très indicatifs de l’activité de la maison : une couche de fèves et de céréales carbonisées, un squelette de chien domestique, de nombreuses empreintes d’animaux de ferme sur les tuiles en cours de séchage et enfin serpes, hache et truelle. Tout cela laisse deviner, autour de cette maison de maître, les productions d’un domaine agricole : il s’agissait bien d’une villa rurale.
 
Les datations se fondent principalement sur la séquence monétaire, sur les marques et le style des céramiques. Elles s’échelonnent du début du 2ème siècle (ou même fin 1er siècle)  à 260-268 où, sous le règne perturbé de l’empereur Gallien, se situe la destruction et l’abandon de la villa, sans doute sous les coups d’invasions de barbares germaniques et de l’insécurité chronique de l’époque.

Cette villa aurait donc subsisté pendant près d’un siècle et demi.

                                                                                                        H. Barthélémy
Bibliographie
BARTHÉLÉMY Henri : - « La villa gallo-romaine de Gilly-sur-Isère ». 45 p. 2008
« Un site gallo-romain alpin, Gilly (Savoie) ». Rev. archéo. de Narbonnaise t. 19, 1986
« Une petite ville gallo-romaine en Combe de Savoie, Gilly et Ad Publicanos (Albertville) ».172 p. 2014
LAVAGNE Henri, « Les mosaïques de Gilly ». Rev. archéo. de Narbonnaise. 1986.


Aile principale avec les salles thermales
6 Aile principale et salles thermales.JPG






​​​​​​​

Plan de la villa et édifices annexes
7 Plan de la villa et des édifices annexes.JPG











Plan de la Bévière
8 Plan des structures de la Bévière d_après Achéodunum.JPG


Acuqeducs et bassins de décantation
9 les acqueducs et les bassins de décantation.JPG



Vue aérienne du bâtiment 1
10 vue aérienne du batiment 1.JPG

Vue aérienne du bâtiment 2
11 Batiment 2 Archéo ZAC Bévière.JPG
La villa du Chef-lieu et la villa Rustica de la Bévière

La villa
​​​​​​​

Chronologiquement, c’est la première opération de fouille archéologique effectuée dans le centre de la commune (1975). Dans une parcelle de pelouse à convertir en terrain de sports, l’arasement du terrain par les engins a mis au jour des vestiges de murs antiques inconnus jusque là. Une équipe spontanée et enthousiaste a pu obtenir trois semaines de délai pour mener une fouille sommaire.
 L’abbé Hudry, historien reconnu, a pu obtenir les autorisations de Lyon. Il ne s’agissait en fait que de dégager les murs et les sols déjà mis à nu par le bulldozer et d’en effectuer les relevés.

  • L’édifice :
Il consiste en trois corps de bâtiments en U construits soigneusement en galets torrentiels autour d’une cour centrale, dont un seul corps a pu être dégagé. Les salles disposaient de sols soit en blocage grossier, soit en mortier fin. Dans la cour, quelques bases de colonne laissaient penser à un péristyle. Les salles les plus significatives étaient de petits thermes privés avec deux salles chauffées par hypocauste : l’une, de 2x2,30 m,  gardait encore ses pilettes de soutènement et un épais dépôt cendreux, l’autre, de 3,50 m de côté, conservait se canaux d’air chaud rayonnants avec quelques vestiges de tubuli muraux.

 La fouille du reste de l’édifice n’a pu être qu’ébauchée. Du mobilier, après le décapage de l’engin, on n’a récupéré que de minimes fragments de céramique et 2 monnaies, l’une d’Auguste, l’autre du IVème siècle indiquant la période d’occupation. Une couche de cendres enfouie à 1,40 m et l’existence de deux sols de mortier superposés laissent penser à une époque antérieure d’occupation.

À l’extérieur du bâtiment, une canalisation maçonnée de 50 x 50 cm en parfait état, remplie de vase noire indiquait la présence d’un égoût.

  • De nouveaux bâtiments découverts à proximité en 1981 et 82
Des travaux de voierie et de construction échelonnés sur deux ans, ont entraîné une reconnaissance partielle au pied du coteau des murs et des sols en béton antiques paraissant prolonger ceux de la villa. La pente avait conduit les maçons antiques à épaissir les murs et à enterrer l’arrière des habitations. Il a été possible de raccorder tant bien que mal les deux séries de bâtiments et il semble que ces nouveaux édifices prolongeaient la villa initiale et les dotaient d’une galerie de façade. Un petit dépotoir a livré des tessons de poterie sigillée et métallescente des 2ème et 3ème siècles outre ceux d’amphores à huile Dr. 20 de Bétique.

L’ensemble nous paraît donc avoir appartenu à une même villa résidentielle.

Deux grands murs parallèles devant et sous l’église, solidement construits en petit appareil, cernant un sol en béton enfoui à -80 cm de profondeur de facture antique, extérieurs à la villa, restent énigmatiques et pourraient représenter le péribole d’un fanum, édifice cultuel sur lequel l’église médiévale de Gilly aurait été édifiée par la suite.
 
Le Quartier de la Bévière 

Ce quartier rural bordant le village était, d’après la Mappe de 1738, mis en culture depuis des siècles et surtout au voisinage immédiat de la villa du chef-lieu. La municipalité le destinait à un lotissement communal. Objet des sondages de reconnaissance de l’INRAP en 2007, l’abondance et l’intérêt des vestiges reconnus ont motivé une fouille de grande ampleur exécutée en 2009 par la société de recherches Archéodunum, première fouille professionnelle intervenue dans cette commune bien connue pour sa richesse archéologique.

  • Les découvertes :
Six fosses à pierres chauffantes de l’âge du Bronze, une rareté en Savoie.
Deux aqueducs enterrés
Quatre édifices bâtis en pierre
Des fosses funéraires  des II-IIIème siècles et des 11- 12ème siècles
Des fours à chaux médiévaux ayant détruit les murs des édifices

  • Les aqueducs
Leur mise au jour fait suite à celle de deux autres tronçons d’aqueducs identiques, longs de 100 à 200 mètres, effectuée lors de nos  prospections dans des tranchées de viabilité en 1993 et 1994.

Construits de manière similaire en excellente maçonnerie dans les quatre cas, celle-ci consiste en canalisations maçonnées de 25 cm de large sur 15 à 20 cm de profondeur, incluses dans un épais radier de maçonnerie. Leur couverture en lauzes - partiellement conservée – incite à y voir un tracé à affleurant le sol. Dans les quatre tronçons, existaient des bassins de décantation et de rattrapage de pente. Soit un faciès typiquement gallo-romain.

En fait, il s’agit de deux conduites d’eau potable l’une venant à l’ouest  de diverses sources de versant non identifiées, l’une des collines des Grangettes, l’autre, au tracé en zigzags, d’une source du côté d’Aidier.

L’alimentation de ces aqueducs était destinée à des édifices tout aussi inconnus de l’agglomération antique, même pas les bâtiments de La Bévière.

  • Les bâtiments de ferme (villa rustica)
Remarquons d’abord que, bâtis en terrain plat proche du torrent du Chiriac, les gallo-romains en avaient utilisé les blocs et, vraisemblablement, l’argile compacte du sous sol. De même, les terres exploitées se répartissaient dans la Plaine de Gilly. Mais, lors de la fondation de Gilly au haut Moyen-Âge, les habitants du  village mitoyen ont converti les murs en carrières de pierres et de chaux. Deux fours à chaux datés par Archéodunum des XI et XIIème siècles, s’étaient installés au cœur des bâtiments, d’autant plus aisément que les fondations et peut-être l’élévation des murs étaient en pierres sèches. Aussi, n’a-t-on mis au jour que des squelettes de bâtiments et aux sols nettoyés de tout vestige.

Les plans réguliers et géométriques de ces bâtiments plus leur couverture de tuiles montrent un souci de qualité, mais leurs matériaux légers et en partie périssables semblent davantage propres à un usage agricole et artisanal que résidentiel.

Bâtiment 1 :
De plan carré, (21x22 m), il est adossé à un mur d’enceinte et la série de pièces ne disposait que de sols en blocage fruste et d’un foyer central. Les fouilleurs y voient la possibilité d’un socle de pressoir et une utilisation agricole et d’habitation servile.

Bâtiment 2 :
Également de plan carré (14,5 x15m), ses murs sans ciment été construits sur remblai en 2 phases distinctes. Il disposait de 3 foyers en dalles de brique. Le sol couvert de suie et les trous de poteaux incitent à y voir un bâtiment agricole avec toiture conique pour l’évacuation des fumées ? La céramique, plus commune que sigillée, le confirme.

Bâtiment 3 :
En partie dégagé, privé de sol maçonné et de mobilier, il se prolonge sous les maisons actuelles. L’équipe le pense détruit courant  IIIèmesiècle comme le précédent.

Bâtiment 4 :
Il est réduit à l’empreinte de 11 trous de poteaux ayant abrité un petit local de 2,2 x 11 m, probablement en planches.
  • Les dépôts funéraires antiques
Il ne s’agit que de 7 dépôts  issus de pratiques romains de crémation des corps et  des offrandes après crémation enterrés à faible distance des bâtiments ; ils ne comprennent que de minces fragments d’os humains et animaux, de verre, de clous surtout, plus de petits tessons de céramiques. Le tout se rapporterait au personnel employé dans la villa.

Des inhumations médiévales
Cinq minces vestiges de corps, enterrés soit dans un cercueil soit en pleine terre, datant de la fin du 7ème siècle, montrant une vraisemblable réoccupation tardive des bâtiments de la ferme.

Le mobilier
Il est à la fois très limité à cause des pillages successifs, pauvre car  une ferme en était dénuée et très fragmentaire.  Quatre monnaies très dégradées. Donc, aucun objet entier et de quelque valeur.

Il reste que cette exploitation antique demeure un exemple peu documenté de villae rusticae et intéressant par son architecture
 
                                                    H. Barthélémy, d’après le rapport d’Archéodunum